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Vers un nouveau Projet Personnalisé de Scolarisation

Le « Projet Educatif Personnalisé » a été l’une des premières mesures prises en faveur de l’intégration scolaire. Il est resté depuis le fil rouge de la scolarisation des élèves handicapés. Devenu en 2005, dans sa dernière mouture, le Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS) il est aujourd’hui remis en question, non dans son principe mais dans ses modalités.

Le tournant de la loi de 2005

Le PPS accompagne l’enfant en situation de handicap dans son parcours scolaire. Il est destiné à définir l’orientation de l’élève handicapé, à favoriser le partenariat et à prévoir les aménagements de la scolarité.

Jusqu’en 2005, ce projet individuel était l’œuvre des commissions de l’éducation spéciale instituées par la loi d’orientation de 1975. Ces commissions avaient un fonctionnement partenarial, mais elles restaient entièrement entre les mains de l’Education Nationale et de la Santé.

Or, les associations de parents voyaient là un frein au développement d’une politique d’intégration scolaire. On reprochait notamment aux administrations – Education Nationale et Santé – de prendre leurs décisions moins en fonction des besoins des élèves qu’en fonction des dispositifs existants.

La loi du 11 février 2005 organise donc le transfert des pouvoirs. Le Conseil Général supplante l’Etat et ses administrations dans les nouvelles instances de décisions relatives aux personnes handicapées (attribution des aides, orientation, etc.). Les décisions seront prises désormais par la CDAPH (Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes handicapées), dans le cadre de la Maison Départementales des Personnes Handicapées (MDPH).

C’est une commission de la MDPH, la CPE (Commission Pluridisciplinaire d’Evaluation) qui rédige le PPS et c’est désormais la CDAPH qui l’entérine et qui détermine le parcours scolaire de l’enfant. Selon la loi de 2005, le PPS est l’œuvre exclusive de la MDPH. C’est ce qui est aujourd’hui remis en question.

Le PPS et sa mise en oeuvre 

La loi de 2005 avait créé les Equipes de Suivi de la Scolarisation (ESS) pour assurer « le suivi » des décisions de la CDAPH. L’Education Nationale avait mis en place les enseignants référents pour assurer « la mise en œuvre » du PPS.

Enseignants référents et ESS occupent un rôle charnière entre la MDPH d’une part et l’école et ses partenaires d’autre part. Autrement dit, entre le PPS notifié par la CDAPH et sa mise en œuvre et son suivi. Ainsi, il apparaissait que le PPS comporte deux étapes. Celle de la CDAPH et celle de l’ESS.

Ce rôle de mise en œuvre du PPS dans le cadre de l’ESS est essentiel. Il amènera souvent les parents et les enseignants à considérer que les conclusions de l’ESS sont plus instructives que la notification de la CDAPH et qu’elles constituent le véritable PPS.

Il aurait sans doute été très constructif, pour l’avenir, de reconnaître d’emblée que la mission de l’ESS était réellement constitutive elle aussi du PPS et de considérer qu’effectivement le PPS comportait ces deux volets, quitte à voir comment les harmoniser ou comment établir entre eux des allers et retours.

Mais la loi de 2005 maintenait que le PPS était l’œuvre exclusive de la MDPH. On a refusé de considérer que le PPS pouvait comporter deux volets distincts et aussi nécessaires l’un que l’autre. On a trop voulu reléguer l’Education Nationale et la Santé dans un rôle second. Alors, les problèmes subsistent.

Critiques et propositions « pour un nouveau PPS »

Le ministère de l’Education Nationale a lancé récemment le projet « Ensemble pour une école inclusive ». Il s’agit d’une réflexion globale sur la scolarisation des élèves en situation de handicap. Un groupe de concertation réuni dans ce cadre a passé au crible le PPS. Ses conclusions, très critiques, ont été rendues publiques en début d’année et font l’objet d’un document écrit : « Vers un nouveau PPS ».

Le groupe dénonce d’abord les dysfonctionnements du PPS actuel.

Il cible principalement le GEVASCO (Guide d’EVAluation des besoins de compensation en matière de SCOlarisation). Le GEVASCO accapare une grande partie du temps des ESS. Il allonge les temps de procédure et les parents y trouvent mal leur place. De plus, il ne prend pas en compte les temps périscolaires. Finalement, le GEVASCO a pris la place des conclusions de l’ESS et il est à son tour fréquemment confondu avec le PPS. Le GEVASCO était pourtant l’expression d’un effort pour tenter de combler le fossé entre l’Ecole et la MDPH mais dans la pratique, il a plutôt compliqué les échanges par sa rigidité.

Le groupe de concertation se tourne donc de nouveau vers les enseignants et les acteurs du terrain. Il n’hésite pas à envisager qu’une première proposition de PPS puisse être rédigée par les enseignants. Cette première proposition serait la base des échanges au sein de l’ESS. Parents et professionnels qui suivent l’enfant pourraient y faire des observations et des ajouts, notamment pour intégrer les besoins périscolaires s’ils ont été ignorés.

Cette proposition de PPS ainsi finalisée lors de l’ESS serait ensuite transmise à la MDPH pour que celle-ci la valide, l’amende et l’intègre finalement dans son propre PPS. Le groupe de concertation tente donc de revaloriser le rôle des enseignants et de l’ESS, tout en maintenant la suprématie de la MDPH.

Nous regrettons, quant à nous, qu’il n’aille pas au terme de son intuition. Sa logique voudrait qu’on reconnaisse la part d’autonomie de l’ESS et non pas que son projet disparaisse dans celui de la CDAPH.

La MDPH ne peut être compétente pour tous les aspects du PPS

Dans ces débats, c’est constamment l’articulation des deux étapes ou des deux volets du PPS qui fait problème. On ne veut pas mettre en cause la suprématie de la MDPH alors qu’on doit reconnaître pourtant que le PPS reste inachevé sans l’apport des équipes enseignantes et des autres personnels qui composent l’ESS.

Comment donc articuler les deux pôles ? Pour répondre à cette question, il nous semble nécessaire de situer les compétences de l’un et de l’autre, et ne pas demander à l’un de faire le travail de l’autre.

Le cadre réglementaire de la scolarisation est fourni par l’Education Nationale et plus particulièrement, concernant les élèves en situation de handicap, par la MDPH.

Ces décisions d’ordre réglementaire concernent  notamment l’orientation des élèves, les mesures d’accompagnement de la scolarité (aides humaines, AVS et accompagnement médico-social, SESSAD ou intervenants libéraux, matériel pédagogique adapté) et certains aménagements du temps scolaires (temps partiel, redoublements). Nous le voyons, il s’agit principalement des mesures qui ont un coût et qui engagent un financement. Ceci est incontournable.

L’enseignant travaille dans ce cadre réglementaire, dont il n’est pas maître.

L’insoutenable légèreté des PPS de la MDPH

La MDPH, en revanche, n’a pas compétence pour élaborer des projets pédagogiques. Cette compétence est celle des équipes enseignantes. De toute façon, on ne peut pas construire un projet de cet ordre sans la participation de ceux qui seront chargés de le mettre en œuvre. La MDPH peut, par exemple, attribuer un AESH mais elle ne peut pas notifier dans le détail ses activités.

C’est aux enseignants qu’il appartient de prendre les initiatives d’ordre pédagogique. Ce qui exige aussi qu’ils soient informés des besoins spécifiques de l’élève. Et c’est peut-être là le problème essentiel de la scolarisation des élèves en situation de handicap.

On n’aboutira à rien si on ne maintient pas cette distinction, fondamentale à nos yeux, pour comprendre les problèmes du PPS.

On sait qu’en français le mot compétence a deux sens. Il désigne d’une part la capacité reconnue en telle ou telle matière et d’autre part le droit de juger une affaire. La MDPH a la double compétence (capacité et compétence juridique) dans le domaine réglementaire. Mais la loi de 2005 lui a donné la compétence juridique de décider de tout, y compris dans le domaine scolaire, alors qu’elle n’en a pas la capacité.

Il n’est donc pas étonnant que les PPS de la MDPH soient apparus souvent d’une insoutenable légèreté parce qu’ils n’apportaient rien de précis en ce qui concerne les aménagements scolaires à mettre en place ni la pédagogie à pratiquer.

Curieusement, les CDAPH, qui sont censées notifier les PPS, semblent ignorer le mot PPS. Elles se contentent d’envoyer aux familles des notifications distinctes, concernant des éléments du PPS (orientation, aide humaine…), sans mentionner qu’il s’agit du PPS. C’est ainsi que des familles et même des enseignants, qui ont reçu certains de ces éléments, ignorent qu’il s’agit d’un PPS.

Une conception dialectique du PPS

Il faut éviter, nous semble-t-il, de donner la priorité à l’un des volets du PPS par rapport à l’autre. Chacun a sa spécificité et il faut voir comment ils s’articulent. Le PPS comprend des dispositions réglementaires, c’est le volet de la CDAPH, et des dispositions éducatives et pédagogiques, c’est le volet de l’ESS. Chacune a sa compétence propre.

La MDPH est censée avoir des équipes capables d’évaluer les besoins de l’enfant, à partir des documents dont elle dispose : certificat médical, bilans, projet de vie, etc.. Il est souhaitable que cela apparaisse dans ses notifications quand c’est possible. Les ESS pourraient en bénéficier.

Le rôle de L’ESS est tout aussi fondamental. C’est une réunion au cours de laquelle on examine la situation d’un enfant, ce qui a été fait, ce qui reste à faire. C’est notamment grâce aux ESS que les enseignants ne sont pas seuls face à l’élève en situation de handicap et qu’ils bénéficient de l’éclairage qu’apportent les partenaires et éventuellement aussi la CDAPH.

Les conclusions de l’ESS constituent de fait le second volet du PPS et le partenariat au sein de l’ESS est sans doute l’une des meilleures dispositions qui aient été prises pour favoriser la scolarisation des élèves en situation de handicap.

Cependant, le fonctionnement des ESS semble pourtant  aléatoire, la participation est très inégale. Il faudrait faire plus pour le rendre plus efficace. Le partenariat demande du temps et une bonne organisation.

La CDAPH pourra prendre de son côté de nouvelles décisions (attribution d’un AESH, SESSAD, etc.) qui viendront modifier la donne. Le PPS ne se réduit pas à un document figé, il est un processus qui accompagne le parcours de formation de l’élève handicapé. Il n’est jamais achevé, son élaboration se poursuit dans les allers-retours entre la MDPH et l’ESS, et dans la concertation au sein de l’ESS.

Ainsi les deux pôles ne s’opposent pas, bien au contraire. Tous les acteurs partagent un objectif commun, qui est l’intérêt de l’enfant et, de plus, il y a entre eux des échanges et des allers retours qui leur permettent de s’enrichir mutuellement. Ayons donc une conception dialectique du PPS.

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