Les éducateurs spécialisés qui ont choisi d’intervenir dans le secteur du handicap le font le plus souvent dans le cadre des institutions médico-sociales, IME et SESSAD. Ils sont toutefois un peu plus nombreux chaque année à adopter un statut libéral. Faut-il voir là une évolution dans l’accompagnement des élèves en situation de handicap ?
Une évolution vers des aides plus spécialisées pour l’accompagnement des élèves handicapés.
L’accompagnement à l’école des élèves en situation de handicap est largement assuré aujourd’hui par les AESH. Les AESH, qui rendent d’immenses services, ne répondent pas toutefois à toutes les exigences de l’inclusion scolaire. Ils ne sont ni des éducateurs spécialisés ni des pédagogues. Et même s’ils s’efforcent d’être réceptifs aux besoins des enfants, ils sont parfois démunis face au comportement de certains d’entre eux.
Il n‘est donc pas étonnant que des organismes officiels rappellent que le chantier de l’accompagnement doit rester ouvert. C’est le cas notamment du CNCPH (Conseil national Consultatif des Personnes Handicapées) qui écrit : « Les différentes modalités d’accompagnement doivent être pensées avant tout par rapport aux besoins de l’enfant. Ainsi, il pourra être fait appel soit à un AESH, soit à un enseignant spécialisé, soit à d’autres professionnels…« . Parmi ces professionnels, le CNCPH mentionne explicitement les éducateurs spécialisés.
C’est pour les mêmes raisons que l’Education nationale et la Santé s’efforcent de développer de nouvelles modalités d’accompagnement, plus spécialisées et le plus souvent complémentaires.
L’Education nationale ouvre des postes de conseillers pédagogiques et de professeurs ressources, généralement dédiés à un trouble spécifique, dont au moins un poste d’enseignant ressources TSA dans chaque département. Le Ministère annonce aussi vouloir mettre en place, au sein des établissements scolaires et des écoles, des PIAL “renforcés” qui bénéficieraient de l’appui des équipes médico-sociales et, chose plus rare, de l’appui de professionnels libéraux.
Quant au secteur médico-social, tout en poursuivant le développement des SESSAD, il envisage l’organisation de Dispositifs Mobiles d’Appui Médico-Social auprès des écoles et des établissements scolaires.
Les parents aussi semblent davantage demandeurs, quand ils les connaissent, de ces nouvelles formes d’accompagnement, plus ponctuelles et plus spécialisées.
Des éducateurs spécialisés à l’école
C’est dans ce contexte que des éducateurs spécialisés, installés en libéral, interviennent auprès des enfants à l’école, voire en classe, à la demande des parents et dans le cadre du PPS. C’est le cas d’Océane Hève, qui intervient auprès d’enfants et d’adultes en situation de handicap mental et/ou moteur.
J’accompagne notamment à l’école, trois fois une heure par semaine, un enfant en situation de handicap. Il a une AESH individuelle quelques heures par semaine, mais l’enseignant exprimait avoir besoin de davantage de soutien pour guider au mieux cet enfant dans ses apprentissages. Les parents m’ont contactée. L’enseignant et le directeur étaient favorables à mon intervention en classe. Le directeur a demandé l’accord à l’Inspecteur de l’Education Nationale, qui s’est assuré de mes qualifications et de mon statut juridique, puis a donné son accord par écrit.
J’ai participé à une réunion de l’ESS réunissant les parents, le référent handicap de l’Éducation Nationale, l’enseignant et le directeur. Nous avons échangé à propos du sens de cet accompagnement, et convenu de mes jours et horaires d’intervention – (21 mars 2021, Site Océane Hève)
Pourquoi pas, en effet ? Le métier est déjà ancien et il a des bases solides. Les éducateurs spécialisés sont titulaires du DEES (Diplôme d’Etat d’Educateur Spécialisé), diplôme de niveau bac+3. Le temps de formation est consacré pour moitié à des stages, dans les domaines très divers où l’éducateur aura plus tard à choisir ses engagements : secteurs du handicap, de la protection de l’enfance, de la santé et de l’insertion sociale…
Les éducateurs spécialisés ont les qualités et compétences requises pour conduire un travail d’accompagnement. Au départ d’un projet d’accompagnement, il y a généralement une rencontre avec la famille, qui est demandeuse, afin d’échanger sur les attentes et les besoins. Mais le partenariat avec les professionnels qui suivent l’enfant, notamment avec les enseignants, est évidemment essentiel. Ensemble on précisera les objectifs : travail des habilités sociales, développement de l’autonomie dans l’hygiène, identification et gestion des émotions, repérage spatio-temporels etc… Le but général étant l’acquisition d’une plus grande autonomie.
Des professionnels qui adoptent un statut libéral
Les éducateurs spécialisés sont généralement employés par les collectivités territoriales, par la fonction publique ou par des associations et structures privées. Un nombre croissant d’entre eux choisissent pourtant un statut de travailleur en libéral. Pourquoi ?
Ceux qui s’expriment à ce sujet mettent en avant la liberté d’action que leur procure ce statut et la possibilité d’interventions plus individualisées :
Le choix du libéral offre au professionnel une liberté d’action incroyable ! Il peut enfin laisser libre cours à toute sa créativité pour apporter un accompagnement singulier… (Elsa D.)
D’autres professionnels des secteurs voisins font d’ailleurs le même choix : orthophonistes, ergothérapeutes, psychomotriciens, psychologues, psychologue ABA…
C’est sans doute dans ce contexte du besoin de nouvelles formes d’accompagnement plus individualisées ou plus souples et d’une demande croissante des parents, qu’il faut situer cette évolution.
De plus, le nombre des enfants accompagnés a augmenté considérablement, suscitant de nouveaux besoins. Des enfants qui jadis n’auraient pas fait l’objet d’une prise en charge spécifique demandent à bénéficier d’interventions spécialisées sans pourtant avoir besoin de tout l’appareil d’une institution. Il y a aussi les enfants victimes du manque de place en établissement ou en SESSAD et demandeurs d’un accompagnement spécialisé. On voit aujourd’hui des PCPE (Pôle de Compétences et de Prestations Externalisées) qui orientent des familles vers un éducateur spécialisé dans l’attente d’une place en IME.
En outre, un certain nombre de parents ont fait appel à un éducateur spécialisé pour un accompagnement à domicile avant que l’enfant ne soit scolarisé. Et satisfaits de cet accompagnement, ils souhaitent qu’il soit poursuivi à l’école. Et puis, dans ce domaine comme dans d’autres, les parents sont sans doute devenus plus méfiants vis à vis des systèmes institutionnels ou en tout cas ils en voient moins la nécessité.
Dans la perspective de l’inclusion scolaire, la collaboration avec l’école, toujours nécessaire, peut donc prendre des formes nouvelles et moins institutionnelles.
L’intervention d’un éducateur spécialisé libéral dans l’école suscite encore des difficultés
Les réticences sont pourtant encore fréquentes du côté de l’école. Il arrive que des directeurs se montrent timorés ou bien qu’ils connaissent mal les textes (en l’occurrence la circulaire du 8 août 2016).
Parfois les parents se heurtent à un refus.
Notre enfant, âgé de 8 ans, diagnostiqué autiste, a intégré une ULIS en 2019. L’équipe éducative travaillait avec son éducatrice libérale, qui pouvait aller à l’école et adapter son espace de travail. Tout se passait très bien. Mais nous avons déménagé et la nouvelle école a refusé de travailler avec une éducatrice libérale sous prétexte que cette éducatrice n’appartenait pas à un SESSAD. Depuis, le comportement de notre fils s’est dégradé (10 avril 2021).
Océane Hève signale que dans son cas, c’est l’enseignant référent handicap qui s’interrogeait sur la possibilité pour un éducateur d’intervenir au sein de l’école. Et bien sûr ces pratiques sont encore peu nombreuses et les questionnements sont compréhensibles. Mais quand le professionnel exerce son activité en toute légalité, avec les assurances nécessaires (responsabilité civile professionnelle), avec l’accord du directeur de l’école et avec de plus celui de l’Inspecteur de l’Education Nationale, ce type d’intervention ne devrait plus poser problème.
La seconde difficulté est liée au financement.
Océane Hève indique que ses interventions sont prises en charge par la MDPH via la PCH (Prestation Compensatoire du Handicap), après que la famille ait envoyé le devis transmis par ses soins. Ce mode de financement est tout à fait légal et possible. Les tribunaux ont déjà reconnu la validité de l’attribution à la famille d’un complément de l’AEEH pour financer l’intervention d’un éducateur spécialisé à domicile et à l’école (tribunal de Lyon, 08/04/2019).
Sinon, indépendamment de la MDPH et dans la mesure où il n’est pas souhaitable, dans le cadre de la gratuité de l’école, que ce soit la famille qui rémunère directement un intervenant, il faut trouver d’autres solutions. C’est à la CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie) qu’il appartient de réfléchir au financement des aides éducatives. Le travail des éducateurs spécialisés est pris en charge par la Sécurité Sociale quand ils sont embauchés par une institution. Ce travail n’est-il pas le même quand ils interviennent en libéral ? Pour en savoir plus, voir : financement
Alors, des éducateurs spécialisés libéraux dans l’école ? Ce n’est pas la révolution. Ce n’est pas la fin des AESH. Mais l’évolution qui se dessine ainsi est intéressante.
Sur ce sujet, une page du site Intégration Scolaire et Partenariat : les éducateurs spécialisés libéraux
15 commentaires sur “Des éducateurs spécialisés libéraux accompagnent à l’école des élèves en situation de handicap”
J’aimerais être formé gratuitement pour que je dois aider aux enfants spéciaux qui sont là chez nous si vous plaît j’attends une suite favorable veuillez m’accepter. Merci
Je souhaiterai avoir des informations sur les AESH libérales, j’accompagne en tant que facilitatrice sociale des familles souhaitant une prise en charge adaptée pour des enfants souffrant de troubles des apprentissages.
Malgré des notifications MDPH ou en attente de décision MDPH, les familles attendent désespérément des AESH pour leurs enfants. J’aimerai savoir si nous avons le droit, de faire appel à des AESH libérales pour accompagner ces enfants à l’école dès lors que les professionnels de la santé (bilan à l’appui) et l’équipe enseignante (après EE ou ESS et GEVA sco) les ont estimé nécessaire.
Merci par avance pour votre réponse.
Cet article révèle que les accompagnements pour les élèves en situation de handicap demande une formation initiale significative. Ayant été moi même aesh et maintenant éducatrice spécialisée en libéral (www.cape-education-aveyron.fr), je pense que quelque soit la personne au côté de l’enfant c’est surtout cette présence d’une aide humaine qui est indispensable. Tout devrait être mis en œuvre pour aider ses enfants à développer leur potentialité.
Oui, certainement, et merci de nous faire part de votre expérience.
Pour vous présenter en qualité d’éducatrice spécialisée, vous devez posséder le diplôme d’état, ce qui sauf erreur de ma part, ne semble pas être le cas, à la lecture de votre site internet. Attention, cela peut s’apparenter à une pratique commerciale trompeuse au sens de la DGCCRF (source : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/Pratiques-commerciales-trompeuses).
Bonjour, l’article est hyper interessant vers un changement de l’accompagnement dés personnes et enfants en situation de handicap
Je suis éducatrice spécialisée en libérale et je propose mon aide, mon expertise aux familles, aux écoles, aux institutions. N’hésitez pas à venir visiter mon site internet https://sandrine.barillot.me/
Et pour vous faire connaître des associations de parents d’enfants en situation de handicap, je vous signale qu’en général vous trouvez la liste de celles de votre département sur le site de la MDPH.
Bonjour Pierre, il se trouve que des éducateurs se voient refuser l’autorisation d’intervenir en classe car il ne font pas partie d’un SESSAd ou praticiens de santé public dont la liste est définie par le Code de la santé publique (CSP) dont ils ne font pas partie
Est-ce que cette discrimination est légale ? Comment faire évoluer les choses?
et comment et par qui sont rémunérés les éducateurs spécialisés qui interviennent dans ces conditions ?
par seules les familles qui « ont les moyens » ?
quid d’un service public accessible à tous ?
existe-t-il des aides financières spécifiques liées au « statut MDPH » ?
Ce sont des questions fondamentales et auxquelles je suis tout à fait sensible.
Mais j’ai le sentiment que vous n’êtes pas allée voir les éléments de réponse auxquels je renvoyais en référence du terme « financement »
et qui se trouvent dans http://scolaritepartenariat.chez-alice.fr/page391.htm#financement
Réponse à Nathalie et à BEAL
Merci pour ces commentaires. On peut effectivement s’interroger sur la place respective des AESH et des Educateurs spécialisés, dans la mesure où leurs interventions peuvent être amenées à se recouper.
Je crois donc qu’il est essentiel de comparer les missions des uns et des autres, pour bien voir en quoi elles se distinguent et comment elles se complètent. Il y a peut-être là matière à un nouvel article.
En tout cas, les témoignages publiés dans l’article actuel évoquent plutôt, me semble-t-il, la complémentarité. Vous rappelez que les AESH échangent avec les professionnels, mais précisément, ces professionnels peuvent être des éducateurs spécialisés.
Par ailleurs, je crois que pour l’avenir Nathalie n’a pas trop de soucis à se faire, les éducateurs spécialisés ne sont pas à la veille de prendre la place des 100 000 AESH !
Et puis, sur le fond, il s’agit comme toujours de voir quelle est l’aide qui con vient le mieux à chaque enfant.
Cette perspective contribue à dénigrer les AESH en affirmant plus ou moins leur incompétence quant à l’accompagnement des enfants.
Je tiens à rappeler que plus de 60 % de ces professionnels ont bac +2 bac + 3 et parfois plus.
Pour ma part j’ai une licence de Sciences de l’Éducation et je suis EJE. C’est sur ses bases là que j’ai été employée par l’Éducation Nationale en 2007.
Puis j’ai passé mon diplôme d’Éducateur Spécialisé par VAE à partir de mon expérience d’AESH.
Cela fait bientôt 15 ans que j’exerce ce métier qui demande beaucoup de compétences et connaissances dans de nombreux domaines. Nous accompagnons des enfants âgés de 3 à 20 ans de la maternelle au BTS ayant touts types de handicaps et dans touts types d’établissements scolaires.
Alors oui je pense que nous avons le niveau d’un éducateur spécialisé. Nous participons aux ESS, nous avons des entrevus avec les professionnels qui suivent les enfants, nous échangeons très régulièrement avec l’équipe éducative (enseignants, AED, COP, psychologue, infirmière). Nous sommes en quelque sorte des éducateurs spécialisés en milieu scolaire. Cette spécificité requière une connaissance de l’institution scolaire, ses programmes, les objectifs pédagogiques poursuivis et la manière dont ils peuvent être atteints etc. II faut sans cesse s’adapter à la fois à la pédagogie utilisée par l’enseignant au handicap de l’élève et aux objectifs poursuivis. Il faut être capable d’évaluer, de proposer , de modifier etc… et ce auprès de plusieurs professeurs.
(…)
Ce que je regrette le plus c’est la méconnaissance de notre profession.
Bonjour je suis tout à fait d’accord avec vous.je suis aesh depuis 10 ans j’adore mon métier. Passionné. Mais hélas pas reconnue. Et où sont les formations.
Vous êtes l’exception alors. Les aesh version 2023 n’ont rien à voir avec ce que vous décrivez. Je vous assure (parent)
Dure dure l’ouverture des portes de l’EN. En plus à la charge des parents…..
Des AESH et enseignants formés en nombre suffisant reste quand même la solution pour l’inclusion dans une école d’égalité.