On ne parle guère aujourd’hui des IME (Instituts Médico-Educatifs), nous écrit une lectrice qui le regrette et qui nous interpelle à ce sujet. Manuela Séguinot est Aide Médico Psychologique dans un IME. Nous lui devons l’essentiel de cet article. Il est vrai que les IME sont en place depuis longtemps et font partie du paysage. On ne parle guère non plus du handicap mental, qui caractérise très majoritairement leur population. Sans doute parce que les recherches portent davantage à l’heure actuelle sur des handicaps reconnus plus récemment, autisme ou troubles dys notamment.
En 2018-19 les IME accueillent pourtant environ 80 000 enfants et jeunes soit 1/5ème des 400 000 élèves en situation de handicap. Les parents d’enfants porteurs de handicap préféreraient, bien sûr, que leur enfant ait accès au système scolaire ordinaire. Pourtant, quand cela n’apparaît pas possible, ils savent qu’il existe des alternatives à l’école ordinaire. Ce sont principalement les IME. Cependant, les parents n’en ont le plus souvent qu’une connaissance très incertaine. Quelle est donc la spécificité de ces Instituts Médico-Educatif ?
Pour répondre à cette question, marquons d’abord la différence des objectifs et des accompagnements entre l’ULIS (Unité Localisée pour l’Inclusion Scolaire) et l’IME.
L’objectif des ULIS est un objectif scolaire
Les ULIS accueillent dans un environnement scolaire ordinaire des enfants porteurs de handicap. Les classes ULIS ont un effectif réduit (maximum 12 élèves) et elles bénéficient de la présence d’un AVS aux côtés de l’enseignant spécialisé.
L’organisation est adaptée aux besoins spécifiques des enfants. Les programmes et les objectifs scolaires ne sont pas ceux du système scolaire ordinaire mais sont individualisés en fonction du PPS de chacun. L’ULIS peut recevoir des élèves dont les acquis sont très réduits. L’enseignant rencontre dans le cadre du PPS les professionnels qui suivent l’enfant. Certains enfants bénéficient d’actions de soin ou de rééducation. Malgré tout, l’ULIS reste une classe. Son objectif est fondamentalement d’ordre pédagogique, il est celui des apprentissages scolaires.
L’objectif des IME est un objectif éducatif
Au sein d’un IME, en revanche, le point de vue est différent. L’objectif scolaire est intégré dans un objectif plus large, qui est un objectif éducatif.
A l’IME, l’accompagnement des enfants se fait d’une toute autre manière que dans l’école. Les enfants sont répartis en petits groupes de vie, en fonction de leur âge, et ils sont encadrés par des éducateurs spécialisés, des moniteurs éducateurs, des aides médico psychologiques ou des éducateurs techniques. Il n’y a pas d’AESH dans les IME.
Les prises en charge paramédicales telles que l’orthophonie, la psychomotricité, la psychologie, l’ergothérapie ne sont pas ajoutées au projet scolaire. Plus ou moins en marge de celui-ci, elles font partie du projet global de l’enfant.
Les « ateliers » qui leurs sont proposés répondent à des critères très précis qui figurent dans leur projet individuel. Du bien-être à l’autonomie, tout est fait pour que les jeunes puissent évoluer dans les meilleures conditions possibles.
Dès le plus jeune âge, les gestes d’hygiène du quotidien sont appliqués : du lavage des mains au brossage des dents, ces automatismes sont réguliers et font partie des apprentissages indispensables.
Les repères dans le temps prennent aussi une place importante afin que les enfants puissent maîtriser au mieux le déroulement de la journée. Très souvent, les emplois du temps sont établis quotidiennement et individuellement. Ils sont constitués de pictogrammes (images) et de photos afin que les enfants puissent visualiser et communiquer avec ces supports mis à leur disposition.
Tout est fait pour que la communication puisse être naturelle, spontanée et facilitée. De nombreux outils sont mis en place pour les aider. L’échange est indispensable pour qu’un lien puisse se créer et qu’une relation de confiance puisse s’installer durablement. Certaines méthodes propres aux institutions peuvent être utilisées comme le Makaton qui est une approche multi-modale de la communication associant la parole, les signes et/ou les pictogrammes utilisés par les différents professionnels et les paramédicaux de l’institut.
Des actes du quotidien y sont également réalisés à tour de rôle comme le dressage de la table pour l’ensemble du groupe concerné. Plusieurs notions y sont travaillées : le dénombrement, le spatio-temporel, l’autonomie, la motricité… Bref, tout ce qui est proposé aux enfants a un objectif défini.
Chaque enfant de l’IME bénéficie d’un projet Projet Individualisé d’Accompagnement (PIA)
L’établissement établit pour chaque enfant un PIA (Projet Individualisé d’Accompagnement). Ce PIA fixe les accompagnements adaptés et les pratiques éducatives que les professionnels de l’établissement doivent mettre en oeuvre en fonction des besoins de l’enfant pris en charge. Une réunion de synthèse réunit tous les professionnels et les parents afin d’échanger sur les différentes prises en charge de l’enfant. Les projets sont renouvelés tous les ans.
Il faut aussi savoir qu’au sein des IME, une prise en charge scolaire est possible quand cela fait partie du Projet personnalisé de l’enfant. Des enseignants spécialisés sont mis à la disposition de l’établissement, ils sont organisés en Unités d’Enseignement (UE).
La scolarisation de chaque enfant est cadrée par un PPS notifié par la MDPH. Celui-ci est mis en œuvre dans le cadre du PIA. C’est dire que la scolarisation n’est pas l’affaire des seuls enseignants mais que ses objectifs sont partagés par tous les personnels de l’établissement. Chacun y contribue selon sa compétence propre, de même que les enseignants partagent les objectifs du PIA. Les enseignants travaillent en étroite collaboration avec les autres personnels de l’établissement. Ils indiquent quels pourraient être les objectifs d’apprentissages à atteindre et les modalités de la prise en charge. Mais le projet est réfléchi par toute l’équipe.
Le PIA peut prévoir qu’un éducateur soit présent dans la classe. Parfois des notions sont travaillées en lien avec les éducateurs du groupe ou avec les paramédicaux qui le suivent, afin de favoriser au mieux les apprentissages. Le lien entre chacun des intervenants est essentiel.
Les IME, acteurs de l’inclusion scolaire
Souvent, les parents craignent l’aspect « ségrégatif » de l’orientation en IME. Mais depuis longtemps, il a été demandé aux établissements du secteur médico-éducatif d’être au service de l’inclusion scolaire et de la favoriser pour chacun de leurs élèves, dès qu’ils en ont la possibilité.
La première étape avait été celle de la relance des SESSAD, en 1989, qui à l’origine étaient issus des IME. En d’autres termes, ils étaient des IME devenus mobiles. Les SESSAD permettent à des enfants de rester dans des écoles ordinaires, tout en bénéficiant de l’accompagnement global du secteur médico éducatif. Ils accompagnent aujourd’hui environ 50 000 élèves et ils constituent l’une des structures privilégiées de l’inclusion scolaire. Ils permettent à des enfants de rester scolarisés dans une école ordinaire tout en bénéficiant de l’accompagnement global du secteur médico-éducatif.
D’autres formes d’inclusion se développent aujourd’hui, qui peuvent être :
- Soit individuelles, lorsqu’un enfant de l’IME est scolarisé à temps partiel dans une école voisine
- Soit collectives, c’est par exemple une ou plusieurs Unités d’Enseignement qui sont délocalisées dans une école ou dans un établissement voisin. Les UEM et les UEEA en sont un exemple à suivre.
Un vrai plus, l’accompagnement à la sortie l’IME
En général, les jeunes sont accueillis jusqu’à l’âge de 17-18 ans en IME. Cette limite d’âge est bien souvent prolongée à cause du manque de place en Etablissement et Service d’Aide par le Travail (ESAT). En effet, contrairement au système éducatif ordinaire, les IME n’abandonnent pas les jeunes et leurs familles au terme de leur cursus. Ils ont pour mission de trouver des solutions d’avenir pour ces adultes en devenir et, bien souvent, ils les accompagnent jusqu’à ce qu’ils obtiennent une place dans des structures telles que les ESAT.
En conclusion…
L’inclusion se développe et nous ne pouvons que nous en féliciter. Les IME et leurs Unités d’Enseignement peuvent y contribuer. Certains ont déjà délocalisé toutes leurs Unités d’Enseignement dans les écoles et les collèges voisins. Mais c’est surtout leur potentiel éducatif et thérapeutique qui pourrait être mis encore plus au service d’élèves en inclusion scolaire, en collaboration avec les enseignants, comme le projet « Ensemble pour une école inclusive » y invite.
Mais il ne faut pas oublier non plus que certains enfants ont leur meilleure place en établissement, qu’ils y sont accompagnés dans des conditions optimales, que des professionnels y font un excellent travail et que les parents qui sont amenés à choisir l’IME pour leur enfant n’ont pas à culpabiliser.
Manuela Séguinot tient un blog : https://monhandicapamoinesevoitpas.blogspot.com/
15 commentaires sur “Les IME toujours d’actualité”
Je suis très gênée par les mots prise en charge ,ina changé ce vocab en prise en soin ou accompagnement depuis lgtps.. ds l article » prise en charge scolaire »!!!! Prise en charge du repas,du brossage de dents??!!! Une charge veut dire un poids ,lourd et encombrant..si c le cas ,cela nécessite un soin,sinon ,un accompagnement ,un partenariat.. le vocab illustre ce qu on veut dire .
De même ,intégration/ inclusion : a ne pas remplacer l’un par l’autre,un enft n est pas inclus,il est intégré ds une école inclusive ,ce qui devrait être très très différent…
Une maman découragée par les mots qui changent sans aucun effet sur le terrain,par les conditions d intégration qui se détériorent…..
Prendre en charge, cela signifie aussi : avoir une responsabilité vis à vis de…
On ne va pas se battre sur les mots !
le bit d’un IME et d’abord l’activité professionnelle et ne vise pas l’apprentissage puisque ce ne sont pas des école ou on évolue intellectuelement d’ailleur j’i et était je sais ce que c’est la scolarité n’est le but de c’est établissement mais l’insertion en millieu ordinaire entrprise adapté ou en esat ou en centre d’accueil de jour certaint personne sont suivi par un spy ou un psychiatre voir son hospitalisé en hp ce qui est mon cas pas d’avoir des diplome et une formation voila tout
Les établissements du secteur médicoéducatif (IME) sont définis comme des établissement d’enseignement. Code ASF (code de l’Action Sociale et des Familles) Article L312-1 – I,2°
Bonjour,
Je suis éducatrice spécialisée en IME et j’ai apprécié de lire ce document. Merci pour ce travail
Je fais de mon coté un travail sur l’accueil des jeunes présentant de gros troubles du comportement sur l’UE.
Savez vous l’UE a le droit a des AVS en IME ? Les enseignants doivent ils accueillir tous les jeunes admis sur l’IME ?
Merci si vous avez des infos
Emmanuelle
Bonjour,
Je suis éducatrice spécialiée en IME et j’ai apprécié de lire ce document. Merci pour ce travail
Bonjour,
Peux t on repasser un jeune d’un ime a une classe ulis pro?
Si oui comment ?
En vous remerciant
Bien sûr, si cela paraît souhaitable et possible. C’est une décision qui dépende de la MDPH.
En faire donc la demande, éventuellement, à la MDPH. Mais il faudrait évoquer la question d’abord dans le cadre du PIA (Projet Individuel d’accompagnement), car la MDPH demandera à connaître les conclusions du PIA.
Sur le PIA vous pouvez voir : les établissements spécialisés > PIA
https://ecole-et-handicap.fr/dispositifs-daccueil/les-etablissements-specialises-inclusion-individuelle-et-collective/
Bonjour, très bon article. Cependant, les bons IME sont à compter sur les doigts de la main…. Déjà, il faut bien se renseigner pour le côté éducatif (apprentissages), trop peu en mettent en place. De plus, financé quasi exclusivement par l’Etat mais géré , en privé. Ce qui fait que l’IME fait ce qu’il veut ! Accepte les enfants qu’il veut ! Certains enfants sortants d’ULIS école sont orientés en IME sauf que l’IME ne les accepte pas car ils ont des handicaps trop lourds (autisme). Trop handicapés pour une orientation en ULIS Collège et trop handicapés pour l’IME. Financé par l’Etat mais finalement, ne fait pas son boulot qui est d’accueillir les enfants ! Si un enfant ne peut pas aller en IME alors il va où ???? On marche sur la tête ! L’IME ne devrait pas avoir le choix, il est financé par l’Etat donc il fait son boulot qui est d’accueillir les enfants handicapés et tous !
Merci pour ce commentaire.
Il y a un problème de fond qui est celui du manque de place en IME. C’est un problème que nous avons déjà évoqué, voyez par exemple
Une CDAPH interpelle la Secrétaire d’Etat sur le manque de places en établissement médico-éducatif
https://ecole-et-handicap.fr/mdph-etablissement-medico-educatif/
ou : Manque de places en IME Que faire ?
http://scolaritepartenariat.chez-alice.fr/page521.htm
D’un autre côté il y a ceux qui préconisent la désinstitutionnalisation, sujet sur lequel nous reviendrons un de ces jours…
Merci beaucoup, cher Monsieur Bardeau, pour ce nouvel éclairage !!
Merci Jean-Marc, pour ce commentaire. Tu prends du recul, pour toi le problème n’est pas tant de savoir si les écoles sont plus ou moins inclusives ou si les établissements sont plus ou moins ségrégatifs que de savoir comment ils préparent l’avenir des personnes handicapées. Et l’avenir, ce n’est pas seulement l’insertion professionnelle, c’est la capacité de gérer sa vie quotidienne et d’accéder à une certaine culture.
La vraie question, concernant les IME, serait donc : L’inclusion scolaire en général, favorise-t-elle davantage que l’IME l’autonomie sociale et culturelle des adultes vivant avec des déficiences ?
J’ajouterai, à l’intention des lecteurs, que Jean-Marc Bardeau est l’auteur d’un ouvrage sur le handicap « Infirmités et inadaptation sociale » (chez SH Payot, 1977) et d’un « Voyage à travers l’infirmité » (Scarabée, 1986), une recherche existentielle sur soi et sur la société et un témoignage auquel on ne peut rester insensible.
En complément de l’article « Les IME toujours d »‘actualité » , on peut voir : « Le secteur médico-social connaît un véritable tournant tout comme l’organisation des établissements pour le handicap »
un document de Christiane Jean-Bart, chef de service de la mission handicap pour le secteur social et médico-social au sein de la HAS (Haute Autorité de Santé). Elle parle de l’évolution du secteur médico-social et des établissements pour le handicap.
https://www.handirect.fr/etablissements-pour-le-handicap/?fbclid=IwAR2AoCzyZEUaIOTvTT2o9FVPrsmyRyrPHwJleQwr1b3RWzMt72txarYVo3Y
Institut Médico Educatif ou inclusion scolaire : question sur les acquis et le devenir des élèves
1°) La filière « IME – ESAT » est une survivance de la filière éducation spécialisée —) travail protégé. Si les élèves des IME ne peuvent sortir de cette filière, est-ce que l’inclusion scolaire autorise cette sortie pour des élèves avec une déficience intellectuelle ?
La question de l’insertion professionnelle et sociale se pose aussi pour les élèves des ULIS, voire des classes ordinaires ? Dans quelles mesures, ces élèves à l’âge adulte, échappent-ils au travail protégé ?
2°) SI l’insertion professionnelle, en ESAT ou en milieu ordinaire, peut être un des objectifs de l’éducation tant en classe ordinaire qu’en ULIS ou en IME, ce ne peut être le seul. La capacité de gérer sa vie quotidienne, d’accéder à une certaine culture pour ne pas trop s’ennuyer, peuvent être d’autres perspectives proposés aux élèves atteints de déficiences intellectuelles.
L’inclusion scolaire en général, favorise-t-elle davantage que l’I.M.E ce qu’il conviendrait de définir comme une autonomie sociale et culturelle des adultes vivant avec des déficiences ?
Une autonomie qui pourrait être soutenue par une aide, un soutien tout au long de la vie, pour la satisfaction des personnes. Selon moi, toute autonomie est en effet dépendante du milieu où nous vivons. C’est vrai pour les personnes dites « valides » cela l’est d’autant plus pour les personnes vivant avec des déficiences.
Au-delà de l’espace éducatif, spécialisé ou ordinaire, cette question introduit peut-être la perspective de la déscolarisation des enfants et adolescents avec déficiences intellectuelle, pour y substituer une éducation à l’autonomie, certes domestique, mais aussi sociale et culturelle.
Jean-Marc Bardeau – Garneret, chercheur retraité en sciences de l’éducation et sur la condition des personnes handicapées. Jm.bardeau@orange.fr