Comprendre l’évolution de l’intégration scolaire de la loi de 1975 à celle de 2005

La loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975, présentée dans un précédent article, affirmait d’emblée et presque comme allant de soi sa volonté d’assurer chaque fois que possible l’accès des personnes handicapés aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population. Concernant les enfants et les adolescents handicapés, elle affirmait dès son article 1er sa volonté de les accueillir « de préférence dans des classes ordinaires ou dans les classes relevant du ministère de l’Education ». Il appartenait à l’Education nationale de mettre en œuvre cette politique.

Trois dispositions importantes verront le jour concernant les IME, les écoles et les SESSAD

Des classes sont ouvertes dans les établissements spécialisés (IME)

Les associations gestionnaires avaient déjà ouvert des classes dans leurs établissements ou confié des tâches scolaires, souvent proches des activités de maternelle, à des éducateurs spécialisés. La loi de 75 préconisait une harmonisation nationale de ces initiatives et la mise à disposition de personnels du Ministère de l’Education auprès des établissements médico-éducatifs. Ce sera l’objet d’une circulaire de juin 1978. Le Ministère propose en outre aux éducateurs scolaires qui en remplissent les conditions (être titulaire du baccalauréat ou du brevet élémentaire) de devenir instituteurs. 3000 postes seront ainsi créés. Les classes des IME recevront plus tard l’appellation d’Unité d’Enseignement.

Les grandes circulaires de 1982 et 1983 ouvrent les voies de l’intégration scolaire

Dans les années 70-80, nombre d’enfants handicapés étaient déjà présents dans les classes, de manière plus ou moins empirique. Mais la fin des années 70 marque un tournant. L’accueil des élèves handicapés à l’école fait l’objet d’une intense réflexion, comme en témoignent les publications de l’époque et les travaux du CTNERHI (Centre Technique National d’Etudes et de Recherches sur les Inadaptations) devenu depuis l’INS HEA (« L’école et l’accueil des enfants en difficulté » Diffusion PUF, 1884). On s’interroge sur les bonnes conditions et sur les effets de ces intégrations.

Ces réflexions aboutissent finalement à la publication des circulaires des 28 janvier 1982 et 1983 qui marquent la volonté de l’Education nationale et du ministre Alain Savary de refuser l’exclusion des enfants handicapés et de réussir leur intégration. Elles se montrent résolues mais prudentes. Elles envisagent une action progressive. Elles misent sur les initiatives individuelles et collectives. Elles invitent à multiplier les échanges entre les familles et les enseignants. Elles n’imposent pas l’intégration mais font appel au volontariat.

Le volontariat était un sujet très controversé. Certains considéraient qu’en Italie, par exemple, ou en Suède, l’obligation avait favorisé l’intégration, évitant aux maîtres de développer leurs peurs. Mais on avait le sentiment qu’en France une majorité des enseignants n’y étaient pas encore prêts, et avançaient des prétextes pour la refuser (diminuer le nombre d’élèves par classe, ne pas médicaliser l’école…) ; et du côté des personnels des secteurs soignants et éducatifs, tous n’étaient pas non plus disposés à jouer le jeu (menace économique de perdre son emploi, peur de perdre sa spécialité professionnelle…).

Les circulaires se voulaient surtout persuasives et cherchaient à mettre en place les moyens de l’intégration. Elles étaient peut-être moins timorées qu’on ne l’est aujourd’hui en reconnaissaient la nécessité de permettre à des personnels spécialisés venant de l’extérieur d’intervenir à l’école.

Enfin, dispositif génial, les circulaires mettaient en place le « Projet Educatif Personnalisé » qui, sous des appellations changeantes – il est devenu aujourd’hui le PPS – est resté depuis cette date le fil rouge de la scolarisation des élèves handicapés.

Un appel au développement des SESSAD, dispositif partenarial pour l’intégration scolaire

Les circulaires sur l’intégration souhaitaient que des rapports étroits soient créés entre l’institution scolaire et les institutions spécialisées fonctionnant hors de l’école. C’est dans cet esprit que le secteur médico-éducatif était invité à développer les SESSAD (Services d’Education Spéciale et de Soins à Domicile). Et après qu’un nouvel essor leur ait été donné en 1989, les SESSAD deviendront de fait un outil précieux de l’intégration scolaire.

Les SESSAD ont une vocation fondamentalement partenariale. Ils accompagnent l’enfant handicapé sur ses lieux de vie. Et en coordonnant les interventions scolaires et les interventions rééducatives et soignantes, ils permettent l’accueil d’élèves dont les troubles et les besoins débordent le champ de compétence des enseignants.

D’autres dispositifs en faveur de l’intégration apparaitront plus tard mais qu’on ne peut mettre au compte de la loi de 75. Les classes spéciales de l’Education nationales (CLIS et UPI) , seront progressivement réorganisées pour favoriser la scolarisation des élèves handicapés. Quant aux AVS, on connait leur succès.

Tout ce chemin parcouru conduira à la loi de 2005, qui trente ans plus tard renouvellera sur certains aspects celle de 75 ou la complétera.

Les procédures d’orientation réformées par la loi de 2005

Les procédures d’orientation modifiées en 2005 : le Conseil Général et la MDPH supplantent la CDES

La loi de 75 avait confié l’orientation des enfants handicapés à l’Education nationale et à la Santé, par le biais de la CDES (Commission Départementale de l’Education Spéciale). Mais les associations de parents étaient devenues de plus en plus hostiles à ce dispositif. Elles craignaient que ces deux instances ne cherchent qu’à faire fonctionner leurs dispositifs et n’aient ni le désir ni les moyens de faire le forcing nécessaire en faveur de l’intégration scolaire.

Avec la loi du 11 février 2005, elles obtiennent que les procédures d’orientation et d’attribution des aides soient désormais du ressort du Conseil général et de la nouvelle instance créée à cet effet, la MDPH (Maison départementale des Personnes Handicapées) dont le département assure la tutelle administrative et financière.

Le droit à la compensation du handicap se trouve renforcé dans le cadre de la « situation de handicap »

La Loi du 11 février 2005 reconnaît de manière beaucoup plus large le droit à la compensation des conséquences du handicap. C’est son autre son aspect novateur. La compensation consiste à répondre aux besoins de la personne en situation de handicap et de sa famille, qui n’ont pas à supporter les charges occasionnées par cette situation.

Considérer l’enfant handicapé comme un enfant « en situation de handicap » correspond à cette nouvelle approche. Le regard a changé. Avec la loi de 75 on se focalisait essentiellement sur la personne handicapée. Après 2005, on prend davantage en compte l’environnement et la situation de handicap. C’est à l’école et à la collectivité qu’il appartient de s’adapter et de prendre les mesures pour permettre l’accueil et la scolarisation des enfants en situation de handicap.

De nouvelles mesures pour assurer le suivi et la mise en œuvre des décisions de la MDPH

La loi de 2005 manifeste une vigilance qui faisait cruellement défaut à la loi de 75 : veiller au suivi et à la mise en œuvre des décisions prises. Ce sera le rôle des ESS (Equipes de Suivi de la Scolarisation). L’ESS n’a peut-être pas tous les moyens qu’il faudrait pour assurer le suivi mais la CDES n’avait pratiquement aucun moyen. C’est une question fondamentale. On voit bien aujourd’hui que la majorité des problèmes que rencontrent les familles concernent la mise en œuvre du PPS plutôt que son élaboration.

 

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