La nouvelle loi « Ecole de la confiance », en débat au Parlement, propose de fixer à 3 ans, au lieu de 6, l’âge de la scolarité obligatoire. Jusqu’ici, les familles ne sont tenues de faire scolariser – ou de scolariser elles-mêmes – leurs enfants qu’à partir de l’année de leurs 6 ans. L’Etat, de son côté, est déjà dans l’obligation d’accueillir et de scolariser tout enfant dès l’âge de 3 ans dès lors que la famille en fait la demande. On peut s’interroger sur la nécessité de cette loi et sur l’impact qu’elle peut avoir pour les élèves en situation de handicap.
Une loi qui ne semble pas indispensable
Le Ministre de l’Education Nationale, Jean-Michel Blanquer, qui propose la nouvelle mesure, veut y voir le signal d’une vraie politique de la petite enfance.
Les avis des familles et des syndicats sont plus partagés. Cette disposition ne s’imposait pas dans la mesure où la quasi-totalité des enfants de cet âge sont déjà scolarisés : 97 % pour les enfants de 3 ans, presque 100 % pour les 4/5 ans (Le Monde 14/02/2019). Aujourd’hui, seuls 26 000 enfants de 3 ans sur près de 800 000 ne fréquentent pas la maternelle.
Mais il est vrai que ce taux de scolarisation varie selon les territoires. Il descend à 93 % à Paris, 87 % en Corse et moins de 70 % dans certains départements d’outre-mer, notamment la Guyane et Mayotte (Source SNUipp).
Quelles conséquences particulières pour les élèves en situation de handicap ?
Nous pouvons émettre des réserves sur l’obligation de scolariser en maternelle les enfants de 3 ans et plus particulièrement les élèves en situation de handicap.
« Cette obligation peut avoir l’inconvénient de rigidifier la maternelle, alors qu’elle fonctionne bien en France justement parce qu’il y a beaucoup de souplesse dans l’organisation du temps » observe Catherine Nave-Bekhti, Secrétaire générale du SGEN-CFDT (Sud-Ouest 4 avril 2019).
Actuellement, le temps scolaire est fixé à 24 heures hebdomadaires. Il n’appartient pas aux enseignants de décider qu’un enfant ne serait accueilli qu’à temps partiel ou qu’un élève en situation de handicap ne serait pas accueilli, par exemple en l’absence de l’AVS. Néanmoins dans la mesure où la scolarité n’est pas obligatoire avant 6 ans, des parents et un directeur peuvent mettre en place une entrée progressive à l’école maternelle ou un temps partiel, pourvu que ce soit d’un commun accord. C’est le cas parfois pour des enfants très jeunes et d’ailleurs pas nécessairement handicapés.
« Aujourd’hui, des enfants de 3 ans ne sont scolarisés que le matin et rentrent chez eux pour déjeuner et faire une sieste, gardés par une nourrice ou leurs parents, pour des questions de confort », décrit Le Figaro (Site France info). Question de confort mais peut-être aussi, pour de jeunes enfants en situation de handicap, opportunité d’une période de transition facilitant l’adaptation à l’école.
Ces situations seraient rendues impossibles après la promulgation de la loi. Les directeurs n’auraient plus la possibilité réglementaire de mettre en place de tels arrangements. Chaque absence devrait être motivée et chaque temps partiel devrait faire l’objet d’une décision de la MDPH, comme pour les enfants de plus de 6 ans.
Des conséquences financières pour les communes
Les interrogations portent aussi sur les motivations de la loi. Une autre de ses conséquences serait en effet que les communes devraient contribuer au financement des écoles maternelles privées sous contrat.
Depuis 1959, les communes sont contraintes par la loi Debré de financer le coût de fonctionnement des écoles élémentaires privées sous contrat à la même hauteur que leur école publique. Quand l’obligation scolaire aura été fixée à 3 ans, elles devront prendre également en charge les frais de scolarité des écoles maternelles privées sous contrat.
A combien peuvent s’élever ces frais ? Ils se situent sans doute dans une fourchette de 400 à 800 Euros par enfant pour les écoles élémentaires dans une majorité de communes. Mais ils sont plus élévés, environ le double, pour les maternelles en raison de la présence des ATSEM, ces agents municipaux qui s’occupent des enfants dans les classes, aux côtés des enseignants (Ouest France).
La mesure des 3 ans fait donc l’objet d’une réelle suspicion de la part de ceux qui y voient avant tout un très beau cadeau fait à l’enseignement privé.
8 commentaires sur “Ecole obligatoire à 3 ans : un risque pour les élèves en situation de handicap ?”
Bonjour, au contraire j’aurais aimé avoir cette loi au début de la scolarisation de mon fils autiste. Sous prétexte que l’école n’est pas obligatoire avant 6 ans, j’ai vu mon enfant aller de moins en moins à l’école. Les enseignants sont bien moins motivés à mettre en place des aménagements. A chaque fois qu’il y avait un problème, on m’appelait.
Donc non, maintenant ce ne sera plus l’excuse pour exclure nos enfants de l’école ! Ils sont obligés de les accueillir et de s’adapter ! Point, donc cette loi est la bienvenue !
Je comprends votre réaction. Mais vous vous trompez – ou on vous a trompé – sur un point : depuis très longtemps l’école avait l’obligation d’accueillir les enfants dès 3 ans si les parents en faisaient la demande. Et les enseignants n’ont jamais eu le droit d’imposer un temps partiel contre l’avis des parents.
Il est toujours utile de faire partie d’une association de parents pour être bien informé.
Ceci dit, je crois que la loi est aujourd’hui appliquée avec une certaine souplesse et que c’est bien ainsi.
Ma fille handicapée (maladie orpheline : autisme + épilepsie) sera scolarisée avec une AVS… 4 heures par semaine.
On vient de l’apprendre.
Le reste du temps :
1/ soit je la mets à l’école à temps plein tout en sachant qu’à la crèche il y avait une personne en renfort car ma fille se met en danger (elle n’a pas conscience du danger).
2/ soit je la laisse à la crèche à 4 ans avec une seule demi-journée par semaine à l’école vu que la MDPH se moque de nous (et de sa sécurité).
Et on a appris tout ça une semaine avant la rentrée scolaire !
Je ne connais pas suffisamment la situation pour porter un jugement,
mais puisqu’il y a une décision de la CDAPH, je crois que le plus simple pour vous est d’adopter la seconde solution, à savoir crèche et école 4 heures par semaine.
Ensuite vous pourrez lors de chaque ESS (Equipe se Suivi de la Scolarisation) et en fonction de l’évolution de l’enfant, demander un accroissement du temps de scolarisation.
Je pense que votre fille ne perd pas complètement son temps à la crèche !
Merci à l’équipe d’une Souris Verte pour cette réponse très claire, qui précise bien les deux aspects de la question, l’intérêt d’une entrée possible en souplesse en maternelle et l’intérêt de pousser certains parents à scolariser leur enfant dès trois ans (ce second aspect est passé sous silence dans l’article).
A propos du maintien souhaité d’une certaine souplesse dans l’accueil en maternelle, j’ai lu sur Facebook qu’un Inspecteur d’Académie, celui de Nantes, a déjà déclaré qu’il ne demanderait pas de certificat d’absentéisme pour les absences de l’après-midi en Petite Section de maternelle.
Tant mieux bien sûr si la loi sur l’obligation scolaire à trois ans met fin à ce type de refus. Je veux croire toutefois qu’ils étaient exceptionnels car contraires à l’esprit de la loi qui oblige l’éducation nationale à accueillir dans les conditions ordinaires les enfants de trois ans pour lesquels les parents en font la demande.
Normalement la scolarisation à 3 ans ne devrait pas fondamentalement transformer la maternelle qui conserve son cadre. Nous partageons les avis sur la manière dont les textes et les acteurs vont penser et prévoir la souplesse de l’accueil, pour tous les enfants et de manière plus particulière pour les enfants qui ont des besoins spécifiques.
Au sein des crèches Une Souris Verte, les enfants avec des besoins plus importants ou en situation de handicap peuvent arriver très tardivement à la crèche pour s’accoutumer à la vie en société. Il faut du temps aux familles, à l’enfant lui-même. La scolarisation s’envisage fréquemment avec un petit décalage, pour laisser le temps à l’enfant de prendre ses marques en collectivité. Parfois cet accueil se réalise à temps très partiel ou progressivement.
Tout cela ne doit pas être systématique et une règle générale, mais lorsque vraiment le besoin est avéré, il ne faudrait pas que l‘éducation obligatoire à 3 ans vienne brider l’expérience de l’école de la république en maternelle. Aujourd’hui on sait bien que la première orientation charnière a lieu majoritairement à 6 ans. Il ne faudrait pas qu’elle glisse progressivement à 3 ans.
Pour certains enfants l’obligation d’éducation à 3 ans peut être un vrai levier car jusqu’à présent, malgré les textes, l’entrée à l’école à 3 ans pouvait parfois être perçue comme facultative et reléguée aux six ans de l’enfant. On attend la déclinaison des textes toutefois…
En tant qu’acteur de la petite enfance, nous allons être attentives aux éventuelles recommandations des municipalités quant à l’accueil en EAJE entre 3 et 6 ans. Nous espérons qu’elles restent dans une logique de parcours de l’enfant qui permette de laisser la possibilité aux enfants de continuer leur parcours en crèche en complément d’une scolarisation lorsqu’elle ne peut être envisagée que de manière partielle.
Moi j’ai connu l’absence d’AVS en maternelle pour ma fille car justement la scolarisation n’était pas obligatoire et priorité à l’affectation des AVS en primaire…
C’est l’’inspection académique qui a refusé alors qu’il y avait une décision de la CDAPH