Dysphasiques : le combat pour l’inclusion scolaire – 2ème partie : les associations à l’heure des réseaux sociaux

L’un des objectifs des associations de parents d’enfants handicapés est d’améliorer les dispositifs institutionnels de la scolarisation, comme nous l’avons évoqué dans un précédent article. Cependant, la mission des associations ne se réduit pas à cet objectif. Les associations locales, qui sont en liaison directe avec les familles, ont aussi pour rôle de les accompagner dans leur cheminement et de prendre en compte leurs besoins. Ce sont deux niveaux d’intervention différents, qui exigent des démarches différentes, en particulier à l’heure où les réseaux sociaux bousculent toutes les relations. Afin d’illustrer notre point de vue, nous suivrons de nouveau ici l’exemple significatif des enfants dysphasiques et de leur association, AAD France.

Les associations sont nationales et locales : elles interviennent à ces deux niveaux

Pour agir efficacement au niveau national, les associations locales se fédèrent en association nationales. C’est le cas d’AAD-France, qui fédère des antennes régionales et qui s’est elle-même regroupée avec d’autres associations au sein la FFDys, dont elle est membre fondateur. C’est par le biais de la FFDys qu’elle intervient dans les instances nationales.

Les associations locales d’AAD disposent d’une large autonomie pour répondre aux besoins des familles et pour agir au niveau du terrain. Il peut s’agir d’actions d’ordre institutionnel, vis à vis des instances locales, par exemple pour obtenir l’ouverture d’un SESSAD TSLA ou d’une ULIS TSLA. Il peut s’agir aussi d’actions plus directement tournées vers la compensation du handicap et vers l’accompagnement des familles.

L’association nationale joue alors son rôle fédérateur. Elle se montre particulièrement utile quand elle facilite les échanges entre ses antennes locales, en faisant savoir aux unes ce que font les autres. C’est par exemple pour AAD France l’organisation annuelle du week-end des antennes ou l’organisation chaque année de la journée des dys, qui a un impact national.

C’est avec le soutien de l’association nationale, parfois à son initiative, que des actions parallèles, collectives ou individuelles, peuvent être conduites par les associations locales. Un exemple remarquable d’action collective et que nous avons plaisir à évoquer est, dans le domaine de la compensation du handicap, celui des groupes d’habiletés sociales.

Des actions de compensation du handicap : les « groupes d’habiletés sociales »

La dysphasie est un handicap qui perturbe les relations sociales. Elle affecte les échanges verbaux, qui sont l’une des bases de la vie sociale. Et les jeunes en souffrent, surtout à l’adolescence.

C’est pourquoi, et même si l’on peut craindre que les difficultés d’expression orale ne disparaissent jamais complètement, les responsables et les animateurs des associations d’AAD considèrent que l’une de leurs missions essentielles est d’aider les jeunes à développer leurs habiletés sociales. Ils y consacrent une partie de leurs moyens et de leurs énergies. Les « groupes d’habiletés sociales » prennent des formes multiples : clubs enfants et clubs ados dans certaines antennes, week-ends de regroupements d’adolescents, ateliers pour les jeunes (Théâtre, arts plastiques…), sortie bowling, sortie rugby, séjours de vacances pour les jeunes adultes, etc. (Voir le site AAD France). Ces actions sont de nature à favoriser l’inclusion scolaire, l’objectif à terme étant l’autonomie de l’adulte.

Les associations s’efforcent aussi d’accompagner les jeunes dans leur insertion professionnelle. AAD France est en train d’étudier un système de coaching pour les jeunes adultes. Le travail du coach serait de les aider à retrouver confiance en eux et de les guider dans leurs relations sociales et professionnelles.

Ces actions de compensation du handicap sont parmi celles auxquelles les associations d’AAD France sont le plus attachées.

Des familles plus réticentes à l’égard des associations 

Les associations font beaucoup. De leur côté, les familles ont leurs difficultés quotidiennes et peuvent avoir le sentiment d’être seules avec leurs difficultés.

Il est délicat pour une association d’intervenir dans une situation individuelle. L’un des exemples en est l’accompagnement lors des réunions des ESS (Equipes de Suivi de la Scolarisation), consacrées à la mise en œuvre du PPS. Les demandes restent relativement rares, mais les responsables des associations ne cachent pas que de telles interventions sont souvent lourdes à porter, parce qu’il faut partager une histoire personnelle et s’y impliquer, indépendamment de la disponibilité qu’elles exigent. Les associations, ne l’oublions pas, sont animées par des bénévoles.

Comment les associations pourraient-elles être en mesure d’apporter à chaque famille le « coup de main » dont elle peut avoir besoin à un moment précis, par exemple si elle est en  désaccord avec l’école sur les aménagements scolaires à mettre en place ? Comment assurer la prise en compte et le suivi d’un dossier individuel ? Comment être plus proche des familles et comment être mieux entendues pas elles ?

On observe aujourd’hui une certaine réticence des familles vis-à-vis associations. AAD France connait , comme d’autres, une baisse du nombre des adhérents. Il semble que ce soit un état d’esprit général, aujourd’hui, que de se méfier des « systèmes », comme on dit, et de faire moins confiance aux associations ou aux partis, même si on reste capable de s’engager dans un projet particulier. Une raison de cette désaffection est peut-être aussi que beaucoup de dispositifs institutionnels sont déjà en place. On l’a vu par exemple en Charente Maritime. AAD 17 s’était mobilisée en vue de l’ouverture d’un SESSAD Dysphasie. Lorsque le SESSAD a été ouvert et a donné satisfaction aux familles, celles-ci ont cessé d’adhérer. Elles n’en voyaient plus l’intérêt. Les associations seraient victimes de leur succès.

Ainsi il y a les familles qui adhèrent à une association, il y a celles qui ayant obtenu satisfaction n’en voient plus la nécessité, et puis il y a celles, sans doute les plus nombreuses, qui ne savent pas trop vers qui se tourner. Elles ont des questions : quelle école me conseillez-vous ? pouvez-vous m’indiquer un neuro-pédiatre ? un bon collège ? un bon orthophoniste ? Que choisir, un PAP ou un PPS ? Comment obtenir l’ouverture d’une ULIS TSLA ? Mon fils, adolescent dysphasique, s’isole de plus en plus, il n’a pas d’amis, il n’est pas invité aux anniversaires. Que faire ? La prof. de math refuse de mettre en place les aménagements prévus dans le PPS, que faire ? J’ai bientôt une ESS, comment cela se passe-t-il ?

Alors elles se tournent vers les réseaux sociaux.

Un nouveau défi : intégrer les réseaux sociaux.

C’est sur Facebook, en effet, que de nombreux parents expriment les difficultés et parfois aussi les réussites qu’ils rencontrent au long du parcours scolaire de leur enfant. Et qui leur répond ? Le plus souvent ce sont d’autres parents, dont le témoignage est limité à leur expérience personnelle et qui ne font pratiquement jamais référence aux associations.

Bien souvent il s’agit de questions mettant en cause une situation locale et qui exigeraient un minimum de dialogue. Certaines réponses simplistes sont dangereuses et ne rendent pas service aux familles. Bien des fois on souhaiterait que les responsables ou d’autres membres des associations, plus compétents, puissent dire : venez en parler avec nous.

Comment les associations peuvent-elles faire face à cette nouvelle donne ? Comment pourraient-elles être plus présentes sur les réseaux sociaux ?

Cela peut poser des problèmes d’organisation. Faudrait-il disposer d’un community manager dans chaque conseil d’administration ? Notons au passage qu’on souhaiterait parfois que les associations commencent par faciliter davantage les contacts en indiquant mieux sur leurs sites leurs coordonnées, leur mail, la liste des membres de leur Conseil d’Administration et celle de leurs représentants dans les différentes instances (CDAPH, etc.). On a parfois le sentiment que certaines cherchent à ne pas être dérangées !

Mais bien sûr, c’est très compliqué. Comment être suffisamment disponible ? Suivre les groupes Facebook est extrêmement chronophage, sans compter les multiples difficultés inhérentes à ce type de média : anonymat, demandes non géolocalisées, tendance à la surréaction, mises en cause parfois violentes (des profs, des thérapeutes ou des associations…). Certains parents attendent une réponse immédiate mais avec un niveau d’engagement minimum.

En tout cas, si l’on veut prendre en compte les problèmes des familles et leur venir en aide, le passage par les réseaux sociaux devient, qu’on le veuille ou non, incontournable.


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Un grand merci à Martine Rousseau, Présidente, d’AAD France, à qui ces deux articles doivent beaucoup. Merci aussi à Frédérique Scheibling-Sève, d’AAD France, et à Florence Viot, d’AAD Rhône, pour leur contribution.   

AAD FRANCE
Association Avenir Dysphasie France
85 rue La Fayette – 75009 PARIS
01 42 06 56 92
aad-france@dysphasie.org
https://aad-france.dysphasie.org/

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