Il était établi dès le départ que les AVS – devenus AESH – pouvaient intervenir sur les temps périscolaires et qu’ils étaient alors rémunérés par l’Etat, en l’occurrence par l’Education Nationale. Mais en novembre 2020, un décret du Conseil d’Etat a remis cette disposition en question et a renvoyé la charge du financement aux collectivités locales. Comment comprendre ce revirement dans l’interprétation des textes ? Et, question subsidiaire, la nouvelle jurisprudence est-elle irréversible ? Un retour à la situation antérieure est-il envisageable ?
Le statut des AVS (Auxiliaires de Vie Scolaire) : les AVS sont des Assistants d’éducation
La décision du Conseil d’Etat est fondée sur une relecture du statut des AVS. Ce statut avait été fixé en 2003, par la loi du 30 avril, qui créait les Assistants d’Education. Jusque-là, les accompagnants des élèves handicapés étaient le plus souvent des emplois-jeunes recrutés par les associations. En 2003 l’Etat les prenait en charge et leur conférait le statut d’Assistant d’Education, grâce auquel ils devenaient des agents contractuels de l’Etat, recrutés et rémunérés par l’Education nationale. Deux circulaires d’application du 11 juin 2003 complétaient la loi, la seconde était exclusivement consacrée aux AVS et précisait les modalités de leur attribution et de leurs interventions.
Les Assistants d’éducation peuvent être embauchés par les collectivités territoriales ou mis à leur disposition pour des activités extrascolaires ou complémentaires
Ces textes évoquent la participation des Assistants d’Education à des activités non scolaires organisées par des collectivités territoriales.
Il peut s’agir d’une simple embauche, quand l’intéressé est recruté indépendamment de son statut d’AED (Assistant d’Education) ou d’AVS, et il est alors rémunéré par l’organisme qui l’emploie. Ce cumul des emplois est tout à fait légal. Il peut s’agir aussi d’une mise à disposition de l’Assistant d’Education auprès d’une collectivité territoriale, pour participer à des activités sur des temps non scolaires, qualifiés d’extrascolaires ou de complémentaires. Dans ce cas la prise en charge financière des personnels mis à disposition est assuré par cette collectivité, dans le cadre d’une convention passée entre elle et l’établissement scolaire. La situation de mis à disposition offre l’intérêt de permettre au fonctionnaire ou à l’agent contractuel de travailler hors de son administration d’origine sans rompre tout lien avec elle.
L’Education nationale, sachant que nombre d’AESH cherchent à compléter leur temps partiel, invite d’ailleurs les Maires à « puiser dans le vivier des AESH » quand ils ont besoin d’un personnel pour exercer des activités d’encadrement des enfants sur les temps non scolaires.
Y a-t-il une spécificité des temps périscolaires ?
Qu’en est-il des temps périscolaires ? Tout se passait, depuis 2003, comme s’il y avait une dérogation à l’égard des AESH qui restaient rémunérés par l’Education nationale, quand ils accompagnaient un élève sur les temps périscolaires. Or le Conseil d’Etat considère aujourd’hui que cette prise en charge financière n’incombe pas à l’Etat.
On est étonné, bien sûr, qu’il puisse y avoir deux interprétations aussi différentes des textes. Mais un retour à la situation initiale fournit quelques explications.
Rappelons d’abord que les temps péri ou extrascolaires sont des temps durant lesquels un encadrement est proposé aux enfants. les temps périscolaires sont ceux qui précèdent et qui suivent la classe. Ils comprennent essentiellement les temps de cantine et de pause méridienne et les temps de garderie du matin et du soir, avant ou après la classe. (Circ. 2013-036 du 20 mars 2013 – annexe 3).
La loi de 2003 avait pour premier objet de créer un corps d’Assistants d’Education (AED) qui remplacerait progressivement les maîtres d’internat et les surveillants d’externat. Or pour ces Assistants d’éducation des lycées et collèges, la question des interventions sur les temps périscolaires ne se pose pas comme telle, puisque ces activités, cantines et études du soir, sont organisées par l’établissement scolaire.
C’est à propos des AVS que les circulaires de 2003 font état de leur intervention éventuelle sur des temps périscolaire et pour elles, cette intervention semble aller de soi. La seconde circulaire souligne le fonctionnement particulier de cet accompagnement, à savoir que les AVS sont attribués à un élève sur notification de la CDAPH et que les modalités de leur intervention sont précisées dans le cadre du projet individualisé (devenu depuis le PPS). Et elle insiste sur la spécificité de ces temps périscolaires, « qui sont une condition de possibilité de la scolarité » (Circ. 2003-93).
Il ne s’agit donc pas d’une totale mise à la disposition de la collectivité territoriale, puisque la collectivité organisatrice de l’activité n’a pas la liberté d’utiliser l’AVS comme elle l’entend.
Et d’autre part, la qualification des activités périscolaires comme « condition de possibilité de la scolarité » nous paraît particulièrement significative. Elle marque la différence fondamentale d’avec les activités extrascolaires, qualifiées parfois de facultatives (Art. L216-1). Ces activités périscolaires nous paraissent être d’une certaine manière constitutives de la journée scolaire, elles sont dans la continuité immédiate de cette journée, ce que ne sont pas les activités extrascolaires.
En tout cas, la question d’une prise en charge financière différente des AESH sur les temps périscolaires ne s’est pas posée au départ. Le législateur, sensible à la continuité de la prise en charge des élèves handicapés, n’a pas évoqué une éventuelle rupture dans le financement des accompagnants.
De 2003 à 2020 : confirmation de la situation initiale
Dans les années qui ont suivi la mise en place des AVS, devenus AESH en 2014, et jusqu’à la décision du Conseil d’Etat de 2020, l’intervention des AESH rémunérés par l’Etat sur les temps périscolaires, auprès des élèves en situation de handicap, n’a pas fait problème. Il y a toujours eu quelques voix pour dire que l’Education nationale ne devrait pas payer pour cet accompagnement, mais les arguments étaient d’ordre moral plutôt que d’ordre législatif.
La procédure en cours, en tout cas, était régulièrement confirmée de différents côtés et notamment, en cas de litige, par les tribunaux. C’est par exemple un arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, daté du 5 novembre 2019, qui reprend cette règle légale : pour assurer l’accueil des élèves en situation de handicap, c’est l’Etat qui doit financer l’accompagnement dans les activités périscolaires.
En conclusion… un nouveau projet de loi
La décision du Conseil d’Etat de novembre 2020 n’était sans doute pas indispensable, car l’accompagnement des élèves pendant les temps périscolaires, sur notification de la MDPH, fonctionnait somme toute assez bien. Nous regrettons aussi que le Conseil d’Etat n’ait pas mieux pris en compte la spécificité des AESH par rapport aux autres Assistants d’éducation, ni celle des temps périscolaires.
Néanmoins, le Conseil d’Etat a dit le droit. Il a rappelé que tous les acteurs concernés, et notamment les collectivités territoriales et l’Education nationale, doivent associer leurs interventions pour assurer aux enfants en situation de handicap leur maintien dans un cadre ordinaire de scolarité et de vie. Il s’en est tenu aux textes de 2003 et il considère qu’il n’incombe pas à l’Etat mais à la commune d’assurer la prise en charge financière du coût de l’AESH mis à sa disposition sur les temps périscolaires, parce que l’AESH est un Assistant d’Education.
Nous pensons pourtant qu’il serait préférable d’en revenir à la situation antérieure, ce qui exige une mise à jour d’ordre législatif. Les instances administratives avaient de bonnes raisons, en 2003, de faciliter la continuité de l’accompagnement sur les temps scolaires et périscolaires. Et ces bonnes raisons n’ont rien perdu, nous semble-t-il, de leur pertinence et de leur justesse.
C’est aussi le point de vue d’un groupe de députés qui ont déposé en décembre dernier une proposition de loi en ce sens :
Proposition de loi (décembre 2021) – Article 3 :
L’article L. 551-1 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dès lors que l’accès aux activités périscolaires est une composante nécessaire à la scolarisation des élèves et qu’elles sont préconisées par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, l’État assure la continuité du financement des accompagnants des élèves en situation de handicap pendant ces activités. »
Nous pensons aussi que dans l’état actuel des choses, les controverses locales relatives au financement des AESH, que le Décret a provoquées, doivent être réglées entre l’Education nationale et la commune. Les familles ne doivent pas en faire les frais. Il n’incombe pas à la famille d’entreprendre les démarches auprès de la commune pour obtenir que son enfant bénéficie d’un accompagnant. Quand la MDPH a notifié que l’élève devait bénéficier d’un AESH à la cantine ou à la garderie, c’est à l’Inspecteur d’Académie (DASEN), qui gère les AESH, qu’il appartient de mettre en place cet accompagnement et d’établir avec la commune la convention nécessaire.
Le Conseil d’Etat lui-même rappelle que l’Etat reste garant de la continuité de la prise en charge des enfants handicapés.
Références
La loi du 30 avril 2003
La circulaire 2003-92 du 11 juin 2003
La circulaire 2003-93 du 11 juin 2003
Périscolaire et extrascolaire : circ. 2013-036 du 20 mars 2013 (annexe 3).
Mise à disposition : décret 2007-1542 du 26 octobre 2007.
Proposition de loi n° 4774 du 7 décembre 2021
4774-i-2018-PPL-Thiériot-Finnancement AESH activités périscolaires_DCP_pastillé (assemblee-nationale.fr)