Les chiffres publiés par l’Education nationale font état d’une progression régulière, et très remarquable, d’année en année, de l’inclusion scolaire des enfants et des jeunes en situation de handicap. Leur nombre a plus que triplé en 20 ans. Ils représentent environ 2,7 % de la population scolaire. Le Ministère s’en félicite. Certains s’en étonnent. Comment interpréter cette progression ? En fait, ce n’est pas le nombre des élèves qui a augmenté, ce sont les modalités de la reconnaissance du handicap qui ont évolué.
Une dynamique déjà ancienne
La dynamique de l’intégration scolaire est déjà ancienne. Elle a pris son départ avec les circulaires sur « la mise en oeuvre d’une politique d’intégration » des années 1982 et 1983. Les nouvelles mesures prescrites par la loi d’orientation de 2005 lui ont donné un nouvel élan.
Les nouvelles mesures : MDPH et PPS
La loi de 2005 a mis en avant l’aspect situationnel du handicap. Pour une meilleure inclusion scolaire, par exemple, on cherchera à aménager les conditions de la scolarité. D’où l’intérêt de s’adresser à la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) pour obtenir un PPS (Projet Personnalisé de Scolarisation) qui permettra de bénéficier d’un certain nombre d’aides, telles qu’un accompagnement ou des aménagements de la scolarité, sans parler d’une AEEH (Allocation d’Education de l’Enfant Handicapé) ou d’une orientation spécifique.
Les parents comprennent que la MDPH ne délivre pas une attestation de handicap qui stigmatiserait à vie. Ils attendent simplement d’elle qu’elle reconnaisse les difficultés et le manque d’autonomie de l’enfant, qu’elle évalue ses besoins et qu’elle leur apporte une aide. Avec un PPS, leur enfant sera scolarisé dans de meilleures conditions.
L’augmentation des nouveaux handicaps
Cette nouvelle approche du handicap et le développement des neurosciences ont permis la reconnaissance de nouvelles catégories d’élèves « en situation de handicap ». De nouveaux troubles sont mieux connus et mieux reconnus aujourd’hui comme des handicaps, tels que les troubles des apprentissages et du langage, les troubles de l’attention ou les troubles du comportement.
La prolongation de la scolarité, de la maternelle au lycée
L’augmentation du nombre des élèves en situation de handicap est liée aussi à l’allongement des parcours scolaires. En maternelle, les diagnostics sont plus précoces. Ils concernent donc un plus grand nombre d’élèves et les parents cherchent à favoriser la scolarisation de leur enfant en le faisant bénéficier le plus tôt possible des aides à leur disposition.
Dans le second degré, les nouvelles mesures prises depuis 2005 ne sont pas non plus sans effet. S’il y a une forte augmentation des effectifs en inclusion scolaire, c’est d’abord parce que les jeunes déjà bénéficiaires d’un PPS à l’entrée en 6ème sont de plus en plus nombreux mais c’est aussi parce qu’ils restent plus longtemps au collège ou au lycée.
La multiplication des textes relatifs à l’aménagement des examens montre qu’ils concernent un nombre croissant de jeunes, de même que l’ouverture de nouvelles ULIS, notamment en lycée professionnel. Et on sait que les Universités se préoccupent de plus en plus de l’accueil des étudiants handicapés.
L’apport des nouveaux dispositifs : SESSAD et AESH, ULIS et RASED
Les dispositifs d’accompagnement, SESSAD et AESH, sont devenus les dispositifs privilégiés de l’aide à l’inclusion scolaire. La palme revient aux AESH, qui accompagnent pratiquement la moitié (48 %) de la population en inclusion scolaire.
La plupart des élèves ainsi accompagnés auraient été scolarisés dans le passé même sans AESH, mais dans une situation scolaire plus difficile. Les parents y tiennent beaucoup et nombre d’enseignants y sont aussi très attachés. Le besoin d’un AESH est devenu la principale raison des demandes de PPS.
Les ULIS accueillent des élèves en situation de handicap. Leurs effectifs ont progressé lentement dans le 1er degré, mais plus rapidement dans le 2d degré. Les élèves issus des ULIS du primaire, et d’autres avec eux, ont eu progressivement un meilleur accès aux ULIS-collège et aux ULIS-lycée, où ils ont pu poursuivre plus longuement leur scolarité.
Un autre dispositif a joué un rôle important dans l’accroissement du nombre des élèves en inclusion scolaire, mais cette fois par sa disparition progressive. Ce sont les RASED. Pour obtenir une aide, combien d’élèves « en difficulté » susceptibles d’être suivis par un RASED doivent-ils maintenant passer par la case MDPH et par un PPS ?
Les effectifs des IME restent stables (Instituts Médico-Educatifs)
On aurait pu penser que le développement de l’inclusion scolaire entraînerait une baisse des effectifs des IME. Il n’en est rien. Les effectifs des établissements médico-éducatifs et notamment ceux des IME sont restées stables au cours des 20 dernières années. Une explication de l’accroissement du nombre des élèves handicapés en inclusion scolaire n’est donc pas à chercher de ce côté.
Une meilleure prise en compte des handicaps
Ce n’est donc pas le nombre des élèves handicapés scolarisés qui aurait beaucoup augmenté au cours des vingt dernières années ; c’est le nombre des reconnaissances des handicaps et corollairement le nombre des PPS. Mais cette évolution est significative de l’effort qui est fait depuis des années pour mieux accueillir les élèves en situation de handicap et elle correspond à un mouvement général de la société marqué par l’action des associations et des familles et par une réelle volonté politique. L’accroissement des chiffres témoigne essentiellement d’une meilleure prise en compte du handicap.
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Cette page est rédigée à partir des données chiffrées fournies par le document « Repères et références statistiques » publié chaque année par le Ministère de l’Education nationale.
Ils sont reproduits dans « statistiques de la scolarisation des élèves handicapés«
voir la suite : les statistiques de l’Education nationale sont-elles complètes et sont-elles fiables ?
16 commentaires sur “Le nombre d’élèves handicapés scolarisés a-t-il réellement augmenté ?”