Gérard GRIFFON, directeur de l’école Paul Michaud de Châtelaillon-Plage (17), conduisait tous les deux ans son école en classe de neige. Mais les premières années, il hésitait à y emmener les élèves de la clis autistes de l’école, d’autant que le sessad ne le souhaitait pas. Et puis en 2011, il a franchi le pas.
Et en 2013, il a réitéré l’expérience de classe transplantée en faisant le pari d’une limitation maximum des aménagements logistiques (Lors de la première édition, partis en minibus particulier, logés dans une structure particulière, etc.).
Il s’en souvient très bien ! Expérience réussie, donc, et qui indique bien dans quel sens il faut toujours tenter d’aller. Mais, restons lucide, il s’agit d’une expérience qui peut s’avérer impossible avec une classe trop hétérogène ou des élèves qui n’y sont pas encore prêts.
Se fondre dans le groupe
En 2013, donc, nouveau défi : les cinq élèves concernés sont partis avec leurs camarades ordinaires (neurotypiques, comme on aime à dire) dans le même car, ils auront leur chambre dans le même chalet et au lieu d’un adulte de plus que le nombre d’élèves, il y aura un adulte de moins.
L’expérience de 2011 nous avait laissé un sentiment mitigé d’inégalité de traitement et de réussite humaine et pédagogique ; nous sommes passés à l’échelon supérieur : une véritable inclusion sociale. Le seul domaine où un traitement adapté est nécessaire est l’activité sportive dominante : le ski.
Le dernier soir, lors du dîner, nos minots dits « différents » n’étaient plus reconnaissables à leur handicap. Très peu de troubles de comportements, de langage, de posture. Tout leur être était adapté à la situation.
Camille, mon fils, était venu passer la soirée avec nous. Et lui, qui a connu Paul Michaud en tant qu’élève de septembre 1999 à juin 2004 et qui, à l’époque, aurait reconnu un élève de la CLIS dans n’importe quelle cour de récréation, même bien peuplée et par temps de brouillard, me prend à part à la fin de la veillée pour me confier qu’il n’avait pas encore identifié tous les élèves de la CLIS.
Quant à Sophie, l’enseignante spécialisée de la clis, son sourire a tous les indicateurs au vert. Ses objectifs ont explosés au-delà de toute espérance. Les vidéos de Christophe – maître de CM2 et webmaster du blog de l’école – en témoignent.
Ne pas gommer le handicap mais l’apprivoiser
Ainsi, nous sommes passés de l’ « intégration » à l’ « inclusion ». Pour des professionnels ou des parents, ces mots sont lourds de sens.
L’intégration scolaire, c’était du bain social, et je me souviens que beaucoup de professionnel du secteur sanitaire s’en contentaient et criaient haut et fort que c’était un progrès nécessaire et suffisant. Il suffisait de plonger (terme approprié) un gamin autiste dans une classe ou une cour de récré et hop ! On avait pallié son isolement et réduit sa différence.
Aujourd’hui à Paul Michaud et dans beaucoup de structure de scolarisation en milieu ordinaire, on ne peut se résoudre à cet objectif, louable certes, mais bien réducteur et au final, tout à fait insuffisant. Cet accueil bienveillant de la personne autiste cher à Howard Buten, le célèbre clown éducateur qui a sorti les adultes autistes des institutions fermées, ne suffit plus.
Sophie et moi ainsi qu’un certain nombre de pédagogues intéressés par la cause, pensons que l’école doit rester l’école, c’est-à-dire un lieu d’apprentissages de savoir, de savoir-faire et de savoir-être. On pratique maintenant assez bien les deux premiers, mais il est très important de prendre en compte le troisième.
On pourrait écrire un livre entier sur l’intérêt d’une pédagogie éducative laissant une grande place au plaisir d’exister, dimension qui semble être la cinquième roue de la charrette dans nombre de thérapies.
Seulement le plaisir d’exister.
Tout enfant peut l’atteindre. L’enfant autiste aussi. Mais il y accède après des apprentissages adaptés et rigoureux, c’est paradoxal, oui, mais l’autisme n’est-il pas un énôôôrme paradoxe en parasitant le cerveau d’un enfant dont on sait maintenant qu’il est et sera capable d’apprendre toute sa vie ?
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Gérard Griffon a publié les chroniques de ses classes de neige dans « D’embruns en flocons » Ed. Imprim’vert, 1er trimestre 2017. La clis autiste de l’école Paul Michaud a été présentée dans Intégration Scolaire et Partenariat